Veillée (terminée)

Il est là, dans mes bras, tout contre moi, paisible. Sa tête repose sur ma poitrine, et je peux en baissant la tête poser mes lèvres sur son front. Mes doigts glissent dans ses cheveux si doux, sur ses tempes, sur ses joues. Il a fermé les yeux, je ne vois plus ces prunelles océan qui ont capturé mon cœur. Ses yeux…il m’a tant de fois séduite avec son regard, ses expressions de passion, de tristesse, de bonheur…son regard de petit garçon, son regard d’ami, son regard d’homme…sous le porche de l’Amiral, ce fameux soir de mes fiançailles avec un autre -comme j’ai été stupide ! – Lui, dès qu’il a posé les yeux sur moi, dès que nos regards se sont croisés dans cette roseraie…Je sais qu’il a vu en moi le fantôme de Diane ; il a tout de suite attiré une part spéciale de mon esprit et de mon cœur. Il est si différent… Mais ses yeux sont fermés maintenant, il dort, tout contre moi. Il est en paix, il peut enfin se reposer après tout ce qu’il a traversé. Mais moi, j’ai besoin de lui. Réveille-toi, Harm. Je veux voir tes yeux chercher les miens, je veux te voir sourire.

Ton sourire…Dire que je prétendais y être immunisée !

« Vous avez un joli sourire, capitaine, et je suis persuadée qu’il vous permet d’obtenir tout ce que vous voulez, mais sans vouloir vous vexer je préfère garder mes raisons pour moi. »


Menteuse. Que j’ai perdu de temps. Nous avons perdu du temps. Mais il est à moi pour toujours maintenant. Et je suis à lui pour l’éternité.
Est-ce qu’il ne vient pas de sourire, là ? Il s’est endormi en souriant. Je pose un doigt fébrile sur sa lèvre inférieure, j’en trace amoureusement le contour. J’aime ces lèvres chaudes et douces, j’aime les voir s’entrouvrir pour ses plaidoyers passionnés, pour ses paroles réconfortantes, pour ses sourires ravageurs…Même si elles ont parfois laissé échapper quelques mots qui m’ont fait du mal…Je ne veux plus y penser aujourd’hui. Je me souviens de tout ce que j’ai partagé avec lui. Tous ces moments uniques, comme celui-là, tout sera toujours unique…
Voleur. Il a volé mon cœur. Il a volé mon âme. Comment pourrais-je vivre sans lui ? Je veux qu’il me rassure, qu’il me console.
Mes doigts errent encore sur ses lèvres. Mue par une impulsion subite, je les remplace par ma bouche. Oh, je veux l’embrasser, être ainsi pour toujours. Je veux qu’il m’embrasse. Peut-être que mon baiser va le réveiller…Je ne peux pas croire que je viens de penser cela. A quoi dois-je m’attendre ? J’ai toujours été surprise dans ma relation avec Harm. Définitivement. Mais je suis toujours revenue vers lui, il est toujours revenu vers moi. Un dernier baiser sur ses lèvres si tendres, et je ferme les yeux. Je veux le rejoindre dans son sommeil. Mais je n’y arrive pas. Alors je le contemple avidement.
Il est abandonné contre moi comme un enfant. Je veux le bercer, le caresser comme une mère le ferait avec son enfant, puisque moi je n’en aurais jamais. Non…je veux le caresser comme un amant, mais pas maintenant. Je vais attendre qu’il se réveille. Il pourrait me taquiner sur le fait que bien qu’avocate je n’ai pas l’air bien consciente de ce que j’encours en commettant un attentat à la pudeur sur sa personne. Je souris. Il pourrait bien dire une chose de ce genre.
Mes yeux descendent sur son torse, sur la région de son cœur. Son cœur généreux et passionné…Il me semble qu’il a toujours été tendre derrière les apparences, et moi plus que tout autre je devrais le savoir, savoir à quel point cet homme se donne à ceux qu’il aime, sans attendre quoi que ce soit en retour.

« Vous vous laissez guider par des émotions, et ces émotions nous ont presque tués ! »

J’ai dit ça aussi. Peut-être que j’avais raison, mais que peut bien valoir la raison en face du cœur ? Il n’a jamais vraiment refoulé ses émotions…sauf celles qui me concernent. Pourquoi ? Je sais que la réponse doit être inscrite quelque part en moi…
Je ne l’ai pas ménagé. J’ai sûrement dû serrer, briser son cœur, plus d’une fois. Et je m’en veux tellement…

« Je sais déjà que ça ne marchera pas entre nous. »


Idiote que j’ai été, triple idiote ! J’ai toujours voulu avoir le dernier mot, c’est mon drame avec lui. Et après cela, je m’étonne qu’il recule, qu’il se referme, alors que sans arrêt je le renvoie sur les roses…Ce soir je ne veux, je ne peux voir que mes propres torts dans notre triste histoire. Je m’en veux, je me déteste, je sens que des larmes commencent à se former. Pas ça. Il va se réveiller, je ne veux pas qu’il me voie pleurer. Il a trop souvent essuyé mes larmes.
Quel gâchis, quel foutu gâchis. A nier l’évidence, nous nous sommes détruits comme couple, comme amis, comme êtres humains. Mes yeux et mon cœur chavirent en même temps dans une incontrôlable vague de larmes, un sanglot s’échappe de ma gorge nouée. J’ai mal à en crever. Toutes ces émotions trop longtemps contenues débordent, m’étouffent, et je m’effondre. Tout à l’heure je n’ai pas voulu me laisser aller, maintenant, je suis réduite à néant. Je pleure de douleur, de désespoir, de colère…Je suis seule, si seule, et c’est de ma faute. Tout ça est de ma faute.
Je presse mes mains l’une contre l’autre, autour des épaules de Harm, je les serre à les broyer, je les tords dans tous les sens. Ma douleur physique n’est rien par rapport à la souffrance lancinante créée par cet étau autour de mon cœur, et cette petite voix qui martèle dans un coin de ma tête : « C’est ta faute, c’est ta faute, regarde ce que tu as fait. »Oh non je ne peux pas regarder, je ne peux plus rien regarder en face. Et pas seulement à cause du nuage de larmes qui brouille ma vision. Je vais devoir vivre avec ça maintenant, le cœur scié en deux, la blessure toujours à vif.
C’est mon crime et c’est mon châtiment. Il m’a dit : « Je t’aime » en s’enfonçant dans mes bras. Il n’a jamais entendu ma réponse.

« Je t’aime, Harm, je t’aime aussi, je t’aime plus que tout… »

Une nouvelle vague de pleurs me secoue. Je me fous de tout, de ma carrière, de ma vie, des autres, du monde entier, de tout ce qui me tient éloigné de lui.

« Je t’aime » dis-je à nouveau dans un sanglot, tout contre son oreille, avant de redescendre une dernière fois sur ses lèvres, les frôlant d’un ultime baiser.

Tout ce que j’aurais dû te dire, tout ce que j’aurais dû faire, tout me monte à la tête dans un désordre atroce, j’ai la nausée, le vertige, mon Dieu comme tu me manques, je ne suis plus qu’un trou béant sans raison d’être. Mon Dieu, je veux te rejoindre, tu es parti sans moi, je me sens morte. C’est ça, je suis morte. Morte avec toi.



FIN...

moi qui voulait lire une fic pour me remonter le moral

C'est très joli meme si c'est triste J'aime beaucoup